Mahelle fit tourner la clé dans la serrure, ouvrit la porte qui fit tinter une petite cloche et rentra dans la boutique. Elle avait ouvert relativement tard aujourd'hui. Sa librairie ne connaissait pas un franc succès et l'intérêt d'être sa propre patronne résidait bien dans le choix des horaires. Elle ferma les yeux un instant pour respirer encore cette odeur de papier neuf. Elle avait encore du mal à imaginer que c'était à elle... Elle rentra les cartons de livres à l'intérieur et les déposa sur le côté. Elle tourna son petit panneau sur le côté «OUVERT» et se mit à ranger les ouvrages, un à un. Quelques fois, elle s'arrêtait pour lire un résumé. Quelques fois, il lui plaisait et elle le glissai dans son sac en disant «J'ai le droit de toutes façons. »
Elle passa son doigt sur la tranche de chaque livre, chacun provoquant une vague de satisfaction en elle. Cet endroit, elle le considérait peu comme un lieu de travail. C'était son petit paradis sur terre, dans un monde dévasté. Elle l'avait décoré «à la française». En mettant de grandes étagères en bois et des petits comptoirs assortis. De grandes vitres baignaient la boutique de lumière. Un rêve de gamine. Réalisé. Elle avait encore du mal à y croire et souvent, elle se répétait à voix basse: «la mienne».


Quand elle eut terminé, elle s'assit derrière son comptoir et tourna plusieurs fois sur sa chaise, comme une enfant. Elle sourit un peu en pensant à quelle point elle était puérile. Tout cela était puéril. Elle ouvrit son tiroir pour y mettre ses clés et tomba nez à nez avec une photo de son père, de sa mère et d'elle. Elle portait de petites couettes et affichait un sourire immense. Le cliché lui arracha un petit sourire nostalgique.
La petite cloche de la librairie claironna joyeusement, annonçant son premier client de la journée et, surprise, elle ferma brusquement le tiroir.